jeudi 22 décembre 2011

MY FIRST NAME IS MESS

Depuis que je suis Caillou, chaque matinée commence de la même façon. Je me lève à sept heure vingt, et pose mes deux pieds contre le sol froid deux minutes après que la sonnerie ait retentie. Je m'étire, traverse l'appartement pour filer sous une douche brûlante qui me rougit les joues.
J'observe mes cernes violacées dans la lumière blafarde de sa petite salle de bain, avant de contempler l'étendu de son armoire.
J'enfile son manteau camel d'officier germanique, enfile ses bottes de cosaques, et je file sous la pluie rejoindre la micra noire.
Au premier jour, Marine avait levé ses yeux clairs perçants sur ma personne. Elle m'a dit que j'avais quelque chose de différent. J'ai rougi, balbutié, j'ai dit quelque chose à propos d'un coiffeur ou d'un nouveau manteau. Son regard s'est perdu dans le mien pendant quelques secondes, son visage s'est fendu d'un sourire. Si j'avais pu la convaincre, alors je pourrais convaincre n'importe qui.
Les jours passant, je mentais avec plus d'aisance, m'inventant des souvenirs avec ses amis, créant une intimité qui n'existait pas. Maquiller la vérité devenait chaque jour un peu plus facile, et le pire, c'est que je n'éprouvais pas le moindre remord ou regret à cacher mon crime.
La colère m'habitait, les talons des bottes cosaques résonnaient chaque jour un peu plus fort dans le hall d'entrée. Il est temps de passer aux choses sérieuses.

lundi 5 décembre 2011

LE MOBILE

Depuis le quatorze juillet, Caillou n'était devenu qu'une pâle copie de lui même. Ses traits se sont creusés, ses yeux se sont cernés de noir, son teint est devenu livide, fantomatique.
Il se souvient de tous les détails : du grenier poussiéreux de ses grands parents, de l'obscurité quasi complète qui l'habitait. Il se rappelle de l'odeur de la pile de vieux matelas sur laquelle il était assis, et le ton de la voix de B. qui lui annonçait qu'il ne l'aimait plus.

Son univers s'est arrêté, le temps s'est suspendu et dans ce nouveau monde d'une infinie lenteur, Caillou a cessé d'exister.
Bien qu'il refusait de sombrer dans un pathos grotesque, je mentirai en disant que vivre une vie normale lui demandait des efforts surhumains, que ses rires étaient forcés, et que parfois, son regard se perdait dans le vide sans raison apparente pendant plusieurs minutes.

L'image flamboyante que j'avais de Caillou s'est effritée, sa rage de vivre s'était diluée, et à chaque fois qu'il se cognait, il manquait de se briser.
Les semaines, les mois ont passé, et aucun changement n'a opéré. J'ai décidé de l'aider, lui faire une fleur et prendre sa place.


mercredi 23 novembre 2011

COMMENT TUER CAILLOU ?

Je ne suis pas un homme cruel, et la question n'en demeure pas moins essentielle. Je devais rendre à Caillou ce qui était à Caillou et l'éliminer rapidement avec raffinement et élégance.

C'est l'idée du poison qui s'est imposée en premier. Quelques gouttelettes de cyanure ou de cigüe dans un macaron au caramel beurre salé ladurée. Macaron caché parmi d'autres dans une boîte pastelle. Il aurait été facile de lui dérober la boîte, lorsqu'il sortait son portefeuille pour la régler, et la lui rendre, confus, feignant m'être trompé après avoir placé la pâtisserie mortelle.
Ses allées et venues régulières à la boutique de la rue Bonaparte rendait possible l'empoisonnement. Mais que se passait-il s'il me surprenait ou proposait des macarons à quelqu'un d'autre et qu'accidentellement je tue un innocent. Le risque était trop élevé.

J'ai réfléchi des jours durant, noirci les pages de mon carnet moleskine de théories, scénarios les plus improbables les uns que les autres. J'ai même songé, un instant, à faire dérailler le train de sept heure quarante trois, de lui cogner la tête contre un mur. Dans la cohue générale, personne ne m'aurait vu.

Au bout de quelques nuits blanches, j'ai compris qu'il n'était pas possible de l'éliminer proprement, sans éclaboussures, sans laisser de tâches ou sans risquer d'être pris.
J'opterai pour le plus simple, bien qu'un peu froid. Un revolver, un silencieux, une ruelle sombre.
Je n'avais plus qu'à le suivre, ne plus le lâcher d'une semelle, et saisir la bonne occasion.


jeudi 3 novembre 2011

JE SUIS

Résumé des épisodes précédents.

Je l'ai suivi pendant plusieurs jours. J'ai appris son emploi du temps par coeur. Je l'ai observé, jusqu'à apprendre sa démarche, la façon dont il mord sa lèvre inférieure lorsqu'il est soucieux. J'ai copié chacun de ses faits et gestes, même les plus horripilants.

Je suis même rentré chez lui une fois. J'ai fouiné dans ses tiroirs, trouvé des boîtes de trombones, des cartons de photos. J'ai mémorisé le nom de ses amis, deviné les noms de ses exs. J'ai pris son parfum, pour voler jusqu'à sa chaire.

Je l'ai observé, se rendre à l'école, la façon qu'il a de mettre tout le temps les mains dans ses poches. J'ai retenu ses itinéraires, son dégoût de la ligne A du RER. Je savais tout de lui, j'ai pris des notes pendant des mois, il était mon petit rat dans sa cage.
Il ne m'a pas surpris, jamais. Même si mon visage doit lui paraître familier, il n'est pas un garçon très inquiet ou peureux.

Un dimanche, je suis passé à l'action.