samedi 2 juin 2012

Le paradoxe

Les minutes s'égrainent avec la lourdeur du plomb. Ce paradoxe stupide de trouver que le temps ne passe pas assez vite et trop vite à la fois et que dans vingt sept jours, je serai sur une péniche, une coupe de champagne à la main pour fêter l'accomplissement de vingt et un an de travail.
Nous allons tous rire autant que nous pleurons, nous promettrons de nous revoir, de nous appeler, de nous faire signe. Je sais que nous ne tiendrons pas la moitié de nos engagements, que la plupart ont été faits par politesse et courtoisie.
On me promet un avenir radieux, on me prédit du talent et une carrière à responsabilité. Je n'en sais que penser, je n'ai jamais cru au talent mais à la force du travail, à la concentration et la chance, dont j'ai peu manqué jusque là.
J'ai peur que derrière mes blagues, mes sourires charmeurs et mes yeux clairs, on s'aperçoive que je ne suis qu'une fraude, que mes capacités à sentir ne sont finalement bien moins exceptionnelles que ce que l'on dit et que derrière une façade de garçon inébranlable, mes failles finissent par apparaître, que le décor en carton plâtre s'effondre.
Je suis las, je suis épuisé, j'ai envie de couper le téléphone et de ne plus répondre au courrier de vivre dans l'anarchie profonde avec quelqu'un qui m'aime, d'un amour sincère pas un amour grandiloquent, romancé, torturé. D'un amour simple mais profond. Je veux l'odeur du café dans ma cuisine, l'odeur d'un autre sur les draps, des baisers endormis et fiévreux, de rire à gorge déployé. Je veux tout, sans faire la moindre concession, c'est bien ça mon problème, le temps n'arrange rien, je l'avais compris dès le départ, le temps passe avec la lourdeur du plomb, comme un poids sur les épaules, il m'angoisse et me ravit à la fois. Ce paradoxe stupide de trouver que le temps ne passe pas assez vite et trop vite à la fois.