mercredi 6 novembre 2013

CHIMERES

De Paris à Londres, chaque traversée me parait être une bataille napoléonienne. En bon général, je passe en revue les troupes en faisant claquer le talon de mes chaussures sur le sol en marbre d'Italie.
L'espace d'un instant, on oublierait presque que je n'ai que vingt cinq ans et que je ne sais rien.
Mais ça, tout le monde l'a déjà oublié, sauf moi.

Tout cela n'a de toutes façons pas vraiment de sens, et que le beau pour lequel je travaille n'est toujours qu'éphémère. Je me surprends à rêver que les odeurs que nous créons trouveront refuge à des nuques ou des poignets que j'aurai voulu embrasser.
Je créé pour un garçon qui n'existe pas, j'imagine ses réactions devant les bois, les muscs que je dirige, orchestre.

Et malgré ma démarche hâtive, mon accent britannique et froid, et mon regard déterminé, je n'en reste pas moins un grand romantique qui attend le jour où ce garçon que j'ai tant imaginé frappe à ma porte.

samedi 17 août 2013

601


A serie of unrelated events brought me at the door of the room 601, the 21st of December. I wasn’t expected, and i didn’t expect to be here, almost in the middle of the night. These past years, I crossed many corridors, halls, places with marble on the floor and shimmering gold on the walls, and I always had this shivering feeling that, someway, all this beauty will reflect on me.

There was, this time, no gold, no marble, no echo of my shoes beating up the floor, just the sickening and dizzy smell of chlorine, a passed-greenish linoleum, marked by time and people. I knocked on the door and heard a very light groan for answer. He was there, lying in his unclean sheets, pale as death, the eyes clear as water. He looked at me for at least ten seconds that seemed to last an eternity, like he was trying to put a name on my face, trying to reconnect who I was. He didn’t succeed, maybe he tried to apologize but didn’t say words that made sense. The man was now an empty shell of the being he used to be.

Somehow, I thought a part of me died this day, something that would never come back and as I was trying to hide my tears when I left the hospital, I thought that the Mayas were right. Something happened today, the world as if I knew it, would never be the same.

lundi 8 juillet 2013

Cannes, une heure et quart.

Après avoir rêvé d'une euphorie collective et spontanée depuis des mois, me voici à Cannes, au mois de mai, en plein coeur du festival à attendre sous une pluie battante à l'entrée d'un hôtel.
Perchée sur ses talons, Marine ne prononce pas un mot et se mord la lèvre inférieure, avec une moue boudeuse et préoccupée, son regard souligné au liner, perdu dans le vide.

Nous finissons par rentrer, le bar sent le rhum, l'humidité et la transpiration. Nous parvenons non sans mal à nous frayer un passage dans une foule hétéroclite, festive, bruyante et bousculant au passage quelques individus qui s'excusent avec un accent germanique. Je ne me sens pas en territoire inconnu, je souris et commande un gin tonic - qui au passage sera dégueulasse - et m'accoude au bar.

L'alcool aidant, une douce euphorie et liberté coule lentement dans mes veines, prenant tour à tour le contrôle de mes sens et de mon corps, nous finissons meilleurs amis avec le groupe de personne le plus proche. Mes yeux se perdent sur les lèvres d'un de mes interlocuteurs. Cela ne lui échappe pas, nous finissons très vite en tête à tête.
Il est une heure et quart, quand sous la pluie cannoise, il finit par m'embrasser. Mes quelques mots d'allemand auront eu raison des dernières barrières entre nous.

Sept heure dix, gare de l'est.

Sept heure dix sur les quais de la Gare de l'Est, je me sens piégé, pris en flagrant délit comme l'étudiant qui aurait délibérément refuser de réviser son discours.
Mon au-revoir  se teintera juste de quelques mots médiocres en allemand. Je voudrais être partout sauf là, que l'on soit catapulté en arrière, de nouveau à s'enlacer et s'embrasser dans les draps de mon lit qu'il a imprégné de vétiver.

Cette histoire est folle, et pourtant cette fin peut être éphémère est plus que banale et médiocre. J'ai toujours aimé les débuts, les envolées, l'ascenseur émotionnel, et c'est peut être bien cela le problème, de vouloir vivre délibérément des choses grandes et belles mais forcément inaccessibles.

Dernier silence, je l'embrasse une ultime fois, lui posant ma main dans sa nuque, nous nous échangeons un dernier regard complice, il me dit à très bientôt, le chef de gare siffle. Dans un vacarme assourdissant, les train s'avance, les wagons défilent et son visage se perd au loin.


dimanche 9 juin 2013

EMERGENCY

Il est urgent de vivre, de ne pas s'économiser.

C'est dans la torpeur et froideur d'un matin de mai, que cette pensée m'a frappé de plein fouet.
Elle avait fait du chemin depuis les rues du huitième arrondissement, les toiles de picasso, le bruit de la moto de mon frère, l'odeur du cambouis, et ce cimetière de province au goût de neige et de granit pâle.

J'ai pris conscience que le temps aura sur moi un effet dévastateur, je n'échapperai pas à l'obsolescence programmée. Mes cheveux se feront plus fins, plus éparses, des sillons sinueux habiteront mon front, le coin de mes yeux, et puis ma peau se tâchera, ou sentira l'odeur acide et âcre du temps qui passe.

Alors j'ai triché, menti, inventé des vies, j'ai osé le nom d'emprunt, j'ai osé les lèvres des inconnus et j'y ai même replongées. J'ai osé les soirées où je ne connaissais personne, j'ai accepté de raconter un milliard de fois ce que je faisais et rire à des blagues que je ne trouvais pas drôle. J'ai été beau comme jamais et stupide comme toujours. A grand renfort de gin et de vodka, j'ai été cet autre magnifique et con à la fois, le genre qui attise la curiosité et la retenue.

vendredi 10 mai 2013

COEUR DE VERS

C'est Maxime qui a infligé le coup ultime. J'ai senti un poids dans ma poitrine, j'ai entendu le cristal se briser, se réduire en miettes et s'éparpiller entre mes poumons. J'ai hurlé de douleur, et j'ai su qu'il ne serait plus jamais possible de revenir en arrière.
Maxime s'est tu, n'a rien vu, et j'ai souffert en silence, comme un con, de tous ces beignes données par tant d'autres, il venait d'infliger le coup de grâce.

Depuis, il y a des visages et des corps sur lesquels je ne mets pas de prénom. Chacun de leur baiser veulent voler un peu de ma jeunesse, un peu du gris de mes yeux et les cris cessent parfois dans ma tête pour se perdre dans des râles de rage.

Menteurs. Voleurs. Tricheurs.

Je sens mes os qui craquent sinistrement sous les mouvements de leurs corps, je sens ma peau brûler sous leurs doigts. J'ai envie d'incendier leurs lèvres et de griffer leurs visages. Alors je froisse leurs draps dans une rage non dissimulée qui ne s'éteint pas.

dimanche 24 février 2013

LONG TIME MY FRIEND

Les violons de l'orchestre symphonique bulgare s'excitaient dans mes oreilles, et il pesait sur mon coeur un poids grandissant tant nous traversions les côtes enneigées.
Chaque kilomètre nous rapprochait, et chaque minute qui passait rendait mon souffle un peu plus court.

Je n'ai jamais été bon pour dire au-revoir, et cette fois ci ne dérogera pas à la règle. Je resterai muet sur mon banc en chêne, je ne me lèverai pas, je ne chanterai pas, ne parlerai pas de l'amour de Dieu. Je serai noyé dans mes souvenirs jusqu'à boire la tasse.

Si j'avais dû me lever et parler, j'aurai évoqué l'odeur de bergamote et de fleur d'oranger le matin dans la salle de bain, le bourdonnement incessant du rasoir électrique, le petit rire nerveux qu'il avait pour ponctuer chaque fin de phrase ou ses grands yeux bleus dans lequel on pouvait lire jusqu'à la source de son âme...

dimanche 20 janvier 2013

ZIMMER 773

Un mois plus tard, j'arpentais toujours les couloirs de la clinique. J'ignorais les odeurs chlorées, les vapeurs d'urines et de vinaigre blanc.

Je m'arrête maintenant à la chambre 773, celle dans l'angle au dernier étage, qui surplombe mon quartier. Et malgré la neige et la brume, je suis presque sûr de voir la toiture de mon appartement.

Il regarde tomber silencieusement les flocons, et j'ai un pincement au coeur à l'idée que c'est la dernière fois qu'il voit ce manteau blanc immaculé. Il ne connaîtra plus la chaleur de l'été ou l'odeur de l'Océan Atlantique, et cette idée m'embrume les yeux.

Je sais que dans la chambre 773, il y a beaucoup de dernières fois, de derniers sourires, de premières larmes, d'au-revoir. On aimerait que ça ne s'arrête pas, on aimerait revenir en arrière, mais ce n'est pas possible. Nous sommes figés dans un présent qui nous parait insupportable.